Rupture du lien conjugal : séparation ou divorce à la suite d’une infidélité

Rupture du lien conjugal : séparation ou divorce à la suite d’une infidélité

Faut-il se séparer ? Beaucoup de personnes dramatisent l’infidélité conjugale. Certains disent qu’ils ne pourront jamais pardonner, que le lien est cassé, qu’ils ne peuvent plus avoir confiance et qu’ils ne veulent même plus se laisser approcher physiquement. Des mots définitifs exagérés, des déballages contentieux qui remontent parfois à plusieurs années se multiplient et alors les comportements peuvent déraper de manière dévastatrice ou destructrice. Allez voir un thérapeute permet de tenter de contrôler ses propos, mais pas toujours d’éviter la séparation.

Beaucoup plus de femmes que d’hommes demandent le divorce et l’infidélité est la première cause de ces demandes. Pourtant se retrouver femme seule avec des enfants n’est pas facile. En effet les femmes d’aujourd’hui disent combien leur liberté a un coût exorbitant. Elles sont sans doute des romantiques, idéalistes, victimes sacrifiées sur l’autel de l’amour, qui ne sont pas arrivées être satisfaites par leur mari. De ce point de vue, l’amour peut paraître un leurre idéologique venu renforcer l’amitié qui unit le couple et l’exclusivité sexuelle dans la fidélité. Le « gel » du couple est comme programmé dans la fermeture qu’il induit. Aujourd’hui, que ce soit dans la séparation ou pas, la fidélité reste une contrainte. Il s’agit toujours d’être soit fidèle à l’autre et/ou fidèle à soi-même. Ces différentes alternatives cherchent leur complémentarité.

L’infidélité féminine se révèle avoir plus de chances de déboucher sur un divorce que l’infidélité masculine. Souvent, la femme trompée se retourne en effet contre elle-même et se demande ce qui ne va pas chez elle, alors que le mari trompé blâme sa femme et envisage de la quitter. Les hommes qui montrent plus de tolérance sont eux-mêmes infidèles et souvent mus par une peur de perdre, tandis que certains vont même jusqu’à encourager leurs femmes parce que cela les excite de la partager ainsi avec un autre homme.

Il existe un certain nombre de signes qui indiquent aux partenaires qu’un point de non-retour a été atteint. Le plus clair est bien évidemment le refus absolu de la part de celui qui est trompé de reconnaître une infidélité, malgré des preuves accablantes. Le deuxième est l’absence de toute trace de remords chez le partenaire infidèle pour la souffrance causée par ses mensonges. Enfin, le troisième est que, même une fois la vérité établie, il y a parfois refus de dépasser la crise et pour l’un la culpabilité et pour l’autre la colère viennent couper le lien, avec arrêt des relations sexuelles et même de tout rapprochement.

Il est important de ne pas rester prisonnier de la souffrance et de se donner le choix d’être libre entre le divorce et la construction d’une nouvelle vie conjugale. Les raisons qui retiennent le plus pour choisir la séparation, sont le fait de faire souffrir les enfants, de bousculer la vie sociale, d’être en difficulté financière, d’appréhender de ne pas tenir psychologiquement ou de voir l’autre ne pas tenir psychologiquement, d’être dépendant affectivement, d’être enfermé dans des considérations idéologiques, culturelles, religieuses ou familiales avec un risque de rejet, de se retrouver seul, célibataire avec le doute quant à la possibilité de retrouver quelqu’un.

Dans la religion catholique la fidélité au conjoint s’inscrit dans l’idéal jusqu’à la mort dans l’indissolubilité de l’engagement pris lors du sacrement de mariage. L’Eglise accepte le divorce en reconnaissant qu’une relation ne peut se poursuivre. Mais il n’est pas possible, après d’entamer une relation amoureuse platonique ou sexuelle avec une autre personne. La non-séparation devient donc une contrainte intériorisée par des justifications religieuses pour certains. Chaque personne tient dans sa relation conjugale au nom de principes qui lui sont extérieurs et qu’elle n’a pas toujours choisis. Lorsque ces contraintes ont été choisies, elles peuvent devenir sources de sérénité. La fidélité à soi-même a ses acquiescements ou ses refus, ses amours, ses choix, ses engagements. Elle demande d’être toujours capable de se remettre en cause, de s’interroger, de se bousculer, de prendre des risques sur des terrains inconnus.  Le divorce marque la fin d’un engagement et d’une fidélité à un idéal et peut permettre le retour à soi-même.

Les caractéristiques du bon divorce sans enfant supposent de comprendre les causes de la liaison extraconjugale, d’acheminer le couple vers une nouvelle conception des exigences pour toute union ultérieure. Il est souhaitable que les partenaires conservent l’un pour l’autre une estime réciproque, qu’ils analysent ensemble les raisons de leur échec et se dirigent vers un divorce à l’amiable. Par contre ceux qui ont des enfants ne se séparent pas complètement : « quand on a des enfants ensemble, on ne se quitte jamais »[1]. Seulement une différence est à faire entre le lien conjugal qui n’existe plus et le lien parental qui permet de continuer à éduquer et partager l’autorité parentale. Le lien conjugal doit bien être rompu pour permettre de reconstruire une autre relation.

Cependant, la séparation ou le divorce peuvent être aussi l’occasion de domination ou de prise de possession de l’autre et révéler une difficulté d’autonomie affective. Les conditions financières et économiques qui affaiblissent l’un peuvent permettre à l’autre de prendre le pouvoir sur lui. Il tentera de  « l’acheter » ou le retenir par l’argent, la gentillesse, la pitié. Il prendra soin de sa renommée en gâtant, en lâchant prise sur certains biens. Mais il peut aussi être vicieux et dans un esprit de vengeance, voire de cruauté, en réglant les comptes, prolonger une tentative de séduction de manière à maintenir une emprise affective. C’est ainsi qu’un réseau de dépendances, de mensonges peuvent continuer même lors du divorce, ce qui demande à la personne trompée ou « victime » de faire un travail sur elle-même de manière à s’extraire de cette emprise et à vivre par elle-même. C’est un travail comportemental qui demande une progression et un accompagnement au moins le temps de la procédure de divorce.

Le divorce arrive souvent parce qu’il y a une polyfidélité. Celle-ci peut être à ce moment-là éthique de manière passagère, en ce sens qu’elle oblige la personne à dépasser sa peur de perdre. Il suffit d’avoir passé une fois cette frontière pour ne plus se sentir piégé(e) par une jalousie venue des tripes. La fidélité plurielle n’est pas de la même nature que l’infidélité (même si elle peut en être le prête-nom). Personne ne me trompe, le désir ne se déplace pas d’une personne sur une autre, mais s’additionne, se multiplie, s’enrichit.

Certaines personnes voudront maintenir une double relation qui leur permette de gagner une grande liberté. Toutefois, il s’agit de savoir quel est l’avis du partenaire sur ce choix, et ce dépassement ou cette authenticité rend la situation inconfortable et insécurisante, et peut provoquer une grande solitude intérieure. La séparation et le divorce peuvent permettre à certains de découvrir leur grand désir d’aimer et en même temps leur immense peur d’aimer quant à la possibilité de durer dans une relation, comme s’il était impératif d’échapper à l’amour à un moment donné. C’est aussi l’occasion de faire la différence entre amour et plaisir tout en les conjuguant et se poser la question de quelle relation on a besoin pour vivre à deux.

En termes de séparation, l’infidélité introduit une bascule et vient provisoirement mettre un terme à cette tension des contradictions. L’inconscient du couple nourrit sans cesse un tiers, au moins dans le fantasme, et notamment lors de la relation sexuelle. Ainsi l’infidélité permet d’échapper à un enfermement, une routine. Elle peut être le ferment du couple lorsque l’infidélité est rendue possible, à condition que ce tiers imaginaire soit maintenu en limite de la relation. Dans le cas contraire, ce tiers sera l’évènement qui provoquera une séparation en soi ou dans le couple.

Quand le couple décide le divorce, c’est l’un qui souvent choisit plus que l’autre même à l’amiable. Un deuil est à faire et demande de passer par des étapes pour les deux. Deuil du vécu partagé, de ce qui est laissé, les blessures, les souvenirs heureux et complices, un idéal, le projet. Cela provoque des angoisses et de la colère à guérir[1]. D’autant qu’on laisse une partie de soi à l’autre et on emporte de lui à travers ce qu’on a appris et partagé.

Il arrive que l’infidèle qui est parti regrette et que quelques années plus tard le couple reprenne une vie commune. Pour d’autres ce sera une guerre ouverte qui mettra du temps à s’apaiser. Il faut du temps pour divorcer et se séparer. Revenir à une fidélité à soi est un cheminement personnel qui est détachement avant tout de « l’autre » dans la relation affective et de ce qu’on en attend. Sinon il y a un risque de reproduire les mêmes problématiques dans une nouvelle relation. Le divorce est un passage pas une fin ni un échec, mais l’occasion d’un nouveau départ pour chacun, de grandir.


[1] Aimer, perdre, grandir Jean Monbourquette


[1] La séparation Dan Franck

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