La résilience dans le couple qui a connu l’infidélité

La capacité de changement, de renouveau ouvre sur la résilience et l’optimisme. La résilience se définit comme l’aptitude à réagir vivement, à se redresser à la suite d’un malheur ou d’un changement. C’est la capacité de rebond de la personne. Cette élasticité permet d’affronter une crise en la considérant comme une chance à saisir, alors qu’en son absence on ne voit plus que des dangers.

L’optimisme est la capacité à apercevoir les promesses de l’avenir, y compris en temps de crise. Les racines de la dépression, sont pour la plupart à chercher ailleurs dans des idées négatives dès la petite enfance. Il suffit de rester dans une impuissance acquise qui se traduit dans la façon de penser, les humeurs et le comportement.

Le psychiatre Fréderic Flach[1] définissait la résilience comme l’aptitude à affronter des tournants importants qui sont potentiellement dangereux. Il y a deux stades à distinguer : celui du dérèglement et celui de la réintégration, avec le « recollage des morceaux » de son univers brisé pour créer une structure nouvelle et plus solide que la précédente. Ainsi, la personne se prépare à un niveau d’adaptation nouveau et supérieur. Sous l’effet du stress, l’individu atteint un point de bifurcation. Il lui est très difficile de faire ce travail seul, la peur du changement pouvant entraîner des blocages qui enferment la personne.

Frédéric Flach énonce quatre lois qui régissent le cheminement de dérèglement-réintégration :

– pour pouvoir tirer les leçons d’une mutation, il faut d’abord s’effondrer,

– dans une période de chaos, on ignore nécessairement de quoi sera fait le futur,

– chaque dépassement réussi d’une paire de dérèglement et de réintégration peut encore mieux armer pour affronter le stress à venir,

– une crise existentielle qui ne débouche sur rien handicape l’individu – l’effort est nécessaire, c’est le prix à payer dont il aura besoin pour affronter d’autres tournants.

La crise demande donc de passer par l’apprentissage d’un écroulement psychique et de ne pas s’enfermer  dans un mécanisme de défense intellectuelle qui permet de recoller les morceaux de la vie sans faire un travail en profondeur. Chaque phase est nécessaire et bonne pour le changement.

Certaines liaisons convient l’individu à une conviction que son couple peut encore être sauvé et pour d’autres à ouvrir la voie vers le divorce. Dans les deux cas, c’est une manière de vivre une transition vers une autonomie affective ou une liberté intérieure personnelle et une meilleure cohérence avec soi-même.

Aussi est-il important de prendre le temps d’identifier quels sont les besoins et les attentes afin de ne pas entraîner une accumulation de frustrations et d’insatisfactions qui pourrait définitivement éloigner l’un de l’autre. Progressivement chacun peut trouver sa place, les partenaires peuvent préciser quels sont leurs désirs, quelle sera la nouvelle répartition des rôles et des tâches, les projets avec ou sans l’autre, quelle sera la réelle représentation du fonctionnement du couple. « Est-il raisonnable de faire alliance aujourd’hui avec toi ? », « je m’engage pour ce que tu es aujourd’hui et seras demain », « nous associons nos libertés pour une nouvelle aventure ».

Le couple qui en arrive à ce moment de résilience a déjà vécu un certain nombre d’années, avant, pendant ou après la crise, et on pourrait parler d’un véritable parcours initiatique. Une maturité dans le couple lui permet d’envisager un parcours différent où chacun pourra trouver une place équitable et s’ajuster dans un dialogue plus vrai, authentique et régulier. Pour cela il s’agit de découvrir son incomplétude, ses limites, de prendre du recul et de ne pas demander à l’autre de tout combler ou de tout réparer.

La résilience modifiera les comportements en:

–       Exprimant de la gratitude dans le couple : regarder avec un regard neuf ce que fait le conjoint pour soi et non pas ce qu’on voudrait qu’il fasse pour soi,. capter son attention à son égard, se laisser toucher simplement pour aller lui dire merci, avec un geste vers lui, avec la parole en disant combien ce geste a fait plaisir, touché… – c’est un puissant encouragement à ce qu’il (elle) donne davantage car il (elle) se sent reconnu(e) et apprécié(e).

 

–       Gardant patience : supporter avec douceur les défauts de l’autre, vivre dans la persévérance à faire quelque chose malgré les obstacles, et dans la tranquillité avec laquelle on attend ce qui tarde à venir ou à se faire, reconnaître et accepter le réel, accepter que l’autre soit autre, accepter le lâcher prise – décider de ne pas choisir la haine et s’y tenir en dépit des assauts qui continuent. 

 

–       La compétition dans le couple se retrouve-t-elle comme dans la situation d’origine ? A ce stade, on oublie qu’on est en compétition avec son partenaire ! Il est une personne avec qui on a décidé de construire sa vie, et non son ennemi(e). Le couple privilégiera la collaboration pour ne plus être dans un rapport de forces et au contraire penser davantage en termes de NOUS.

Afin de se rapprocher l’une et l’autre, au moment où les personnes ont l’impression d’avoir creusé une grande faille entre elles, la résilience passera par l’ancrage dans le corps et la respiration, l’écoute des sentiments et des peurs, le partage des souffrances engendrées, avec dans le temps du respect et de l’empathie. Un chemin qui s’inscrit dans le temps d’un travail long et en profondeur.

 

La personne résiliente refuse de rester bloquée, elle veut progresser. Elle s’intéresse à la solution au-delà du problème. Autonome, elle se fait son jugement, et cela présente l’avantage supplémentaire de lui permettre de discuter avec les autres sans se croire obligée d’accepter toutes leurs idées. Elle dispose d’amis, dont plusieurs confidents. Dotée d’humour et d’un esprit ouvert, elle a des centres d’intérêt multiples. Elle montre par ailleurs une grande perspicacité concernant ses pensées, ses sentiments ainsi que ceux des autres. Elle sait communiquer et supporte bien le stress. Sa résilience ne pourra se faire parfois qu’en dehors de son couple, une séparation est nécessaire pas un divorce, pour lui laisser le temps de faire ce passage dans sa vie. La séparation doit être alors cadrée et consentie par les deux conjoints avec l’aide d’un thérapeute pour guider et accompagner.

Lorsque la résilience se produit il y a un temps pour reconnaître ce qu’on a fait quant à l’instauration de la situation. Il n’y a plus ni coupable ni victime, mais des personnes qui ont tenté de survivre à la peur d’aimer et à leur besoin d’aimer, à leurs souffrances personnelles. L’un et l’autre gagnent en épaisseur et en autonomie, s’aperçoivent combien ils ont pu fuir le couple mais surtout se fuir eux-mêmes dans une liaison qui donnait l’illusion d’apporter le bien-être et de répondre à tous leurs besoins ou désirs.

 Après une telle expérience soit le couple revient en situation monogame exclusive, le plus vite possible afin de reconstruire, soit les partenaires acceptent une situation plurielle, que d’un côté ou des deux côtés, soit ils se séparent.


[1] Dans Resilience: discovering a New Strength at Times of Stress

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