Se donner sans s’oublier

Se donner sans s’oublier

Dans notre culture judéo chrétienne la valeur du don de soi est première. Valorisée surtout dans l’éducation des filles qui en tant qu’épouse et mère devaient consacrer leur vie à leur devoir d’état ou bien se donner dans la vie religieuse en prenant le voile. Cette vision du don de soi a contribué à formater le stéréotype de la femme au foyer, prête à tout pour sa famille, dans le sens du service et du sacrifice. Une mère don, sacrifice jusqu’à s’oublier elle-même. Bref les femmes étaient condamnées à se donner et se taire jusqu’au devoir conjugal sexuel quel que soit leurs douleurs, ou non disponibilité et l’enfantement jusqu’à en mourir. Au masculin ce don de soi se manifestait dans l’engagement militaire pour défendre et sauver son bout de terre, sa patrie ou tout autre cause, le travail de la terre ou ouvrier pour nourrir sa famille quelque soit le prix à payer de sa santé et de sa vie.

Tout cela en s’oubliant : se plaindre ne se faisait pas, riposter ou répondre était considéré comme une rébellion indigne, pleurer pour les hommes non plus, même pas mal, il fallait toujours garder la face et donner les changes quelques soient les souffrances physiques ou psychologiques. Offrir toutes ces difficultés ou souffrances permettait de gagner son paradis.

Les 60 dernières années ont fait évoluer cette éducation féminine et ces obligations pour les hommes et les femmes de suivre une voie de don et de sacrifice en s’oubliant. Et pourtant s’oublier demeure et encore beaucoup chez les femmes et les hommes dont les personnalités sont dépendantes de la relation à l’autre. Je n’existe que si tu me valides, me reconnais, me dit ou manifeste combien je suis importent pour toi.et je suis prête à tout pour cela : rendre service même fatigué, t’écouter alors que je ne vais pas bien et me taire, travailler des heures pour mon patron sans rechigner alors que je voudrai me reposer ou voir mes enfants, faire à ta place parce que tu es fatigué, et finir par me plaindre car personne ne s’occupe de moi, ne me porte attention.

Margot pique de grande colère, à 32 ans elle en veut à son conjoint qui lui laisse tout faire dans la maison, il rentre du travail et prend le temps de se poser, après le dîner et le coucher des enfants il s’installe devant la télé. Vraiment il ne fait rien dans la maison, elle assume tout et en a assez. Lui ne comprends pas ces colères car franchement même si le ménage n’est pas fait tout le temps, ca va, il fait la cuisine et s’occupe des enfants, il est beaucoup aux travaux de la maison. Elle est fait frustrée et jalouse, il arrive à faire ce qu’elle ne sait pas faire : se poser, se distraire, se détendre et elle lui reproche ce dont elle a envie ! facile de faire reposer sur l’autre la responsabilité de ce que l’on arrive pas à faire ! Margot comprend que c’est à elle de prendre les mesures nécessaires pour prendre soin d’elle et mieux supporter son conjoint, ses enfants en étant moins fatiguée et épanouie. Elle comprend que son conjoint est prêt à la soutenir dans un partage des tâches ajusté à leurs réalités et qu’elle peut prendre le temps dont elle a besoin pour elle il est bien sûr présent pour les enfants. Ne plus tout maîtriser est difficile pour Margot, car chercher à satisfaire les autres c’est sa raison de vivre pour se sentir aimé, c’est ainsi qu’elle s’est construite dans la relation à son père. Si elle ne fait pas ainsi tout pour les autres elle culpabilise et perd son estime de soi.

Se donner ainsi tout en étant altruiste, généreux et bon est aussi empreint d’orgueil, de tout puissance, en se rendant ainsi indispensable aux autres et en en attendant un retour. On est loin du don de soi gratuit, inconditionnel. ET c’est normal, nous ne savons pas aimer ainsi en permanence, c’est bien en cela que Jésus est venu nous montrer le chemin.

Sans s’oublier : comment se donner si on n’est pas soi-même ? Qui et que donne-t-on ? on finit par mentir. Il est bon d’être tourné vers les autres, mais si c’est pour s’épuiser, se mentir à soi-même, ne plus être fidèle à ses valeurs, pensées et sentiments, dépasser ses limites et s’y perdre ce don n’est bon pour personne. Pour mieux se donner il est bon de se connaitre. Aimer ton prochain comme toi-même, donc s’occuper de soi n’est en rien égoïste ni malsain, c’est au contraire le moyen le plus efficace de s’aimer et mieux aimer et se donner et aussi recevoir l’amour de l’autre.

Certaines personnes ont du mal à se tourner vers elle-même et même acceptent mal qu’on soit gentil avec elles, elles refusent des cadeaux, les anniversaires…vont trouver des prétextes pour ne ps aller à la gym, partir en week-end en amoureux….

Alors comment sortir de cette posture ? Faut -il renoncer au don de soi, au sacrifice ? A quoi doit-on renoncer ? Les réponses sont en chacun de nous, elles sont bonnes quand on se sent aligné, en accord dans tout son être sur le choix à faire. Ensuite il est nécessaire de le communiquer. Combien de personnes n’osent pas dire : j’ai envie, j’ai besoin voire ne savent pas ce que cela signifie ? Besoin ou envie de quoi ?

Exprimer cela c’est porter attention à la merveille que je suis pour lui permettre de continuer à grandir, s’épanouir et rayonner. Cela est toujours bénéfique pour l’entourage. C’est aussi ouvrir des portes à la relation, une relation plus équilibrée et sereine ou chacun a sa place, c’est permettre de se donner avec générosité et bonté en étant réellement tournée vars l’autre sans attente de retour car on a su répondre à son besoin affectif. Ce que me donne l’autre et ce que je lui donne est toujours en surplus de ce que je possède déjà en moi et pour ceux qui sont croyants ce que Dieu donne au centuple chaque jour.

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